lundi 30 septembre 2013

Roms, la trahison !

 
Dans un récent blog1, nous nous interrogions sur les propos tenus par le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, à l'encontre des 20 000 Roms présents dans notre pays. Lui étaient-ils personnels, dans une optique de droitisation compte tenu de ses ambitions politiques ou exprimés en accord avec la pensée du président de la République ?

Nous sommes fixés maintenant. François Hollande aurait - rapporte un journaliste d’Europe1 -  soutenu son ministre, en déclarant que "la majorité des Roms a vocation à être raccompagnée dans son pays d'origine … Seule une minorité [d'entre eux] cherche à s'intégrer". En tenant ces propos, le chef de l'Etat rompt brutalement avec les idéaux humanistes défendus par les socialistes au cours de l'histoire récente. Pour de nombreux militants ou sympathisants du Parti socialiste, il s'agit alors d'une trahison qui remet en question leur soutien au parti et à la politique gouvernementale. D'autant plus que cette trahison surgit après de nombreux renoncements sur beaucoup d'autres promesses de campagne du candidat– président.


Cette position du chef de l'État n'aurait pas du nous étonner. En effet, il n'avait pas réagi au discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy en juillet 2010, et les positions qu'il a adoptées ensuite l’ont été sous l’effet des vents changeants :
  • En septembre 2010 et juillet 2011, il prend position contre la circulaire d'août 2010.
  • Mais, en février 2012, au cours d'une prise de parole, il tient des propos surprenants dans le contexte européen de libre circulation des personnes : "L'origine du mal, c'est-à-dire de cette circulation d'une population qui n'est acceptée nulle part et qui vit dans des conditions indignes, c'est de ne pas avoir fixé une règle européenne pour [la] garder là où elle doit vivre, en Roumanie."
  • Puis, candidat à l'élection présidentielle, il adoucit sa position, en avril 2012 : "Le droit commun doit s'appliquer à tous : il ne doit pas y avoir de politique spécifique pour quelque catégorie de population que ce soit, a fortiori sur des bases ethno-raciales réelles ou supposées, contrairement à celle menée par le candidat sortant".
  • En septembre 2012, il prend déjà la défense du ministre de l'intérieur : "Donc le ministre de l'intérieur a fait son devoir. Et quel est son devoir ? C'est à la fois d'appliquer les décisions de justice, et en même temps, de reloger autant qu'il est possible ou de reconduire dans leur pays d'origine … Dès mercredi [12 septembre], et le ministre de l'intérieur, et le ministre des affaires européennes, vont aller en Roumanie pour que ce problème soit traité dès la source, parce qu'on ne peut pas accepter que ces populations soient chassées de leur pays, déplacées et venant ici pour se réfugier dans des conditions où ils ne peuvent même pas avoir une activité économique."


Il est éclairant de commenter ce dernier propos :
"C'est à la fois d'appliquer les décisions de justice" : mais aujourd'hui, comme avant, on expulse sans attendre les décisions de justice,
"De reloger autant qu'il est possible" : mais aucune politique du logement, ambitieuse, n’a été mise en place par le gouvernement socialiste et 3 600 000 millions de personnes2 mal logées n'ont pas accès à un logement décent,
"Ils ne peuvent même pas avoir une activité économique." : c'est vrai qu'en 2007, l'UE a imposé à la Roumanie et la Bulgarie un délai de sept ans avant d'accorder la liberté de circulation des travailleurs ; à partir du 1 janvier 2014, les ressortissants de ces deux pays pourront travailler en Europe comme tous les autres ressortissants. Néanmoins, si M. Hollande avait eu un courage politique en accord avec ces propos, il aurait pu ouvrir le marché du travail aux Roms.

Enfin, affirmer que ces populations, citoyennes européennes, qui ne voudraient pas s'intégrer auraient "vocation" à vivre en Roumanie a des effluves nauséabondes ; pourquoi ne pas les envoyer à Madagascar ?


Second point, il nous semble que le ministre de l'intérieur se défausse d'une de ses obligations de faire appliquer la loi comme responsable de la police. Il reproche à la population rom des dérives mafieuses importantes. Dans ce cas, expulser vers la Roumanie ou la Bulgarie n'est-ce pas reconnaître son impuissance à mettre fin au trafic, au non respect des lois et à faire respecter l'État de droit ?


Un troisième point nous interpelle, celui du résultat d'un sondage BVA3 commandé par I Télé et le Parisien suite aux propos du ministre de l'intérieur. Une première question a été posée : "À propos des Roms, diriez-vous qu’ils s’intègrent très bien, plutôt bien, plutôt mal ou très mal dans la société française ?" et, procédé un peu curieux, une affirmation a été transformée en une autre question : Diriez-vous : "L'intégration ne peut concerner que quelques familles et il n'y a pas d'autre solution que le démantèlement des campements et les reconduites à la frontière". De ce sondage, il ressort que 93% des personnes interrogées estiment que les Roms s'intègrent mal dans la société française et 77 % pensent que le ministre de l'Intérieur a eu raison de le dire.

Nous, qui cotoyons depuis des années ses populations – 20 000 environ en France4, soit 0,003% de la population - nous sommes particulièrement surpris par les résultats de ce sondage, car nous connaissons l'ignorance profonde de nos contemporains en ce qui concerne l'histoire et la vie quotidienne des populations roms. Alors de là à savoir s'ils s'intègrent ou non, Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. On entend plus souvent l'expression du "banal"5 racisme quotidien : "attention, moi, je ne suis pas raciste, mais les Roms, je ne peux pas les voir ..."

N'est-on pas, plutôt, en train de manipuler l'opinion, comme lors du discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, et de recommencer à utiliser les arguments démagogiques qui conduiront le Français moyen, mal informé, à confondre encore "Gens du Voyage" et "Roms". Car les "Gens du Voyage", citoyens français pour la quasi totalité d'entre eux, sont eux aussi l'objet de discriminations. Un renoncement politique de plus pourrait entraîner le maintien de la loi discriminatoire de 1969 qui les oblige à posséder un titre de circulation (sorte de passeport intérieur) à faire viser régulièrement par l'administration et qui leur impose des quotas de présence (3% par commune). Ce sont effectivement des populations extrêmement dangereuses !…Il ne fait pas bon être différent dans notre doux pays, soi-disant des droits de l'homme.


On ne cesse d’utiliser le verbe "s'intégrer", mais est-il bien adapté ? S'intégrer veut dire entrer dans un groupe jusqu'à se fondre dans la masse, quasiment ne plus exister sauf à être confondu avec les autres. Est-ce que c'est ce que nous recherchons ? Ne vaut-il pas mieux laisser une famille "s'insérer" en conservant son identité et ses différences qui enrichissent l'ensemble de la communauté nationale ? Les Roms ne pensent pas l'existence, la propriété du sol, la vie en société comme nous, tant mieux, nous en ressortirons tous plus riches. Si nous nous laissons manipuler, demain ce rejet touchera d'autres populations au mode de vie différent : les arabes, les noirs, tous les déviants6 qui n'ont pas pour "vocation" de s'intégrer.


Il nous semble que Benoit Hamon résume bien la situation : "L'insécurité est d'abord économique … L'exploitation de la peur ne peut pas être le moteur d'une politique de gauche … Evidemment, les trafics et les mafias doivent être combattus, et sans faiblesse, mais pas en mettant tout le monde dans le même sac : l'oppresseur avec l'opprimé, le mafieux avec la femme et son enfant contraints de mendier".


Relevons, pourtant, une note d'humour : "Les sondages, je m'en fous complètement ! J'ai connu vingt ans de sondages sur la peine de mort, ça ne nous a pas empêché de l'abolir en 1981" fait remarquer vertement Henri Emmanuelli, quand on lui dit que 77% des Français approuvent les propos de M. Valls.

Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?

Jean-Claude Vitran


1  http://resistancesetchangements.blogspot.fr/2013/09/roms-y-t-il-vraiment-deux-discours.html
2 http://www.inegalites.fr/spip.php?article508 - 3,6 millions de personnes sont concernées par le mal-logement en France. 685 000 personnes n’ont pas de domicile personnel, 85 000 vivent dans une habitation de fortune, cabane, camping ou mobil home toute l’année.
3 http://www.bva.fr/fr/sondages/questions_d_actu_bva-cqfd/manuel_valls_et_la_polemique_sur_les_roms.html
4 A titre indicatif sur 20.000 Roms présents en 2012, on en a expulsé 11.925 entre le 1 juillet 2012 et le 31 mars 2013 et il en reste toujours 20.000 dans notre pays. Cherchez l'erreur ?
5 En écho avec la banalité du mal de Hannah Arendt
6 Lire Jacques Ellul - Déviances et déviants dans notre société intolérante - Editions érès

jeudi 26 septembre 2013

Roms, y a-t-il vraiment deux discours ?

« Ces populations ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres … Les occupants de campements ne souhaitent pas s'intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu'ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution … Les Roms ont vocation à rester en Roumanie, à y retourner ». Ces propos concernant les 20 000 Roms qui ont choisis de résider dans notre pays, ont été tenus par le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls.  

Ils appellent le commentaire suivant :

  • ou bien, la vision du président de la République et de son gouvernement à l'égard de cette population a changé et M. Valls relaie les instructions gouvernementales,
  • ou bien, M. Valls, en contradiction avec les objectifs du gouvernement, parle en son nom et comme l'ancienne ministre de l'écologie, Mme Delphine Batho, qui avait critiqué  les positions gouvernementales, le Président de la République doit l'engager à quitter le gouvernement.

Dans le premier cas, il serait, d'ailleurs, opportun que le premier ministre s'exprime sur le sujet pour clarifier la position du gouvernement. 

Car si cette position a changé : il faut le dire et ne pas envoyer M. Valls en franc-tireur pour amadouer les extrémistes dans l'optique des élections à venir. Il faut cesser d'entretenir un hypocrite flou artistique sur le sort que notre pays réserve à cette population constituée de ressortissants de l'Union européenne qui, comme tous les autres Européens, peuvent se déplacer à leur guise et pourront, à partir du 1er janvier 2014, exercer, sans contrainte, la plupart des métiers.

À moins qu'on veuille briser l'Union et en chasser les Roumains et les Bulgares, comme le souhaite le Front national. 

 


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Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux


Illustration : Association Entraide Citoyenne 

samedi 14 septembre 2013

Albert Jacquard, le visionnaire d'une utopie réaliste.



On rend partout hommage à Albert Jacquard. Est-ce seulement l'homme qu'on admire, l'ampleur de son intelligence, la force de ses engagements, l'immensité de ses savoirs, reconnues et saluées y compris par François Hollande, au nom de tous les Français ?

Ne perdons-nous pas, avec Albert Jacquard, plus que cela : la voix de celui qui savait exprimer et fonder les grands choix de ceux qui veulent rompre avec un modèle de société qui, tout à la fois, est devenue infidèle à ses propres valeurs et s'attache à des contre-valeurs ? Cesser d'être des prédateurs, des dominateurs, des avides est possible n'a-t-il cessé d'exposer et de tenter de prouver.

Avec le silence d'Albert Jacquard nous allons, pour quelque temps, perdre du poids et de l'énergie car nous ne saurons pas, comme lui, peser sur les événements et les idées qui font bouger le monde. Il nous fait, cependant, obligation sinon de le remplacer du moins de prendre sa suite.

Pour ne retenir que quelques idées-force qui n'ont pas encore atteint la conscience d'une majorité de nos contemporains, et sur lesquelles insistait « le Professeur », citons celles-ci :

• Nous sommes tout prêts d'avoir atteint nos limites1. Une croissance infinie est incompatible avec une planète finie. « La mutation dans laquelle nous nous trouvons implique l'urgence pour nous tous d'élargir notre concept de l'humanité. /.../ Deux solutions : ou nous disparaissons, ou nous sommes les primitifs des humains qui nous regarderont dans deux mille ans ». Heureux les primitifs, ceux qui seront les premiers à promouvoir une humanité nouvelle, moins violente à l'égard d'elle-même et de notre planète sans qui nous ne sommes rien!

• Le culte de la compétition, tout comme le culte de la croissance, fonde un système économique et culturel ravageur. « Réussir est devenu l'obsession générale de notre société, et cette réussite est mesurée par notre capacité à l'emporter dans des compétitions permanentes. Il est pourtant clair que la principale performance de chacun est sa capacité à participer à l'intelligence collective, à mettre en sourdine son « je » et à s'insérer dans le « nous », celui-ci étant plus riche que la somme des « je » dans laquelle l'attitude compétitive enferme chacun. Le drame de l'école est d'être contaminée par une attitude de lutte permanente, qui est à l'opposé de sa finalité ».2 Éduquer n'est pas juger mais être le complice et le soutien de celui qui s'élève et sort de l'enfance.

• S'approprier une connaissance c'est la faire entrer en soi mais si s'approprier devient garder pour soi, alors c'est nuire. L'appropriation des richesses, des sols, du savoir est un accaparement, une privation d'autrui, une privatisation d'un bien commun exclu du partage. La propriété d'objets utiles est ce dont on a l'usage en propre pour vivre dignement et sans excès ; on ne possède pas la Terre. « Au mépris des cultures dites primitives ignorant l'appropriation et la compétition, nous avons mis en place un système culturel, économique, financier conduisant à la négation d'une grande part des potentialités humaines » affirme Albert Jacquard dans le dernier de ses livres.3

Après les philosophes, sociologues, ethnologues, connus et reconnus mais oubliés ou méprisés par les puissants et les riches, Albert Jacquard, dans la lignée des penseurs français du XXe siècle, tels notamment Marcel Mauss, Jean Malaurie, André Gorz, nous laisse un message : ou bien le don, le partage, l'égalité des hommes, la connaissance et le respect de la nature cesseront d'être des bonnes paroles doublées de bonnes intentions jamais réalisées, ou bien c'en est fait de notre espèce devenue capable de s'autodétruire. Il n'est d'autre inspiration des politiques qui vaille car il y a, désormais, incompatibilité entre, d'une part, la vision du monde qui, actuellement, domine et motive les actes de gouvernement et de gestion des rapports humains et, d'autre part, la vision du monde qui porte loin les regards et prépare, tout de suite, une vie collective et planétaire débarrassée de son moteur principal : le profit individuel lequel fait de chacun de nous un petit ou un grand prédateur.

1 Albert Jacquard, L'équation du Nénuphar, Calmann-Lévy, 1998.
2 Albert Jacquard, Mon utopie, Stock, 2006.
3 Albert Jacquard et Hélène Amblard, Réinventons l'humanité, éditions Sang de la Terre, 2013.



 Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran


Crédit photographique : La Liberté/Lausanne et La Croix/AFP



mercredi 11 septembre 2013

D'un onze septembre à l'autre.




Du coup d'État qui renversa Allende, le 11 septembre 1973, on sait à peu près tout. L'accès à des archives sonores, devenues accessibles, permettent de comprendre la trahison de Pinochet (qui avait la confiance d'Allende, comme lui un franc-maçon, devenu chef de l'armée de terre, réputée loyaliste !).

Il était inadmissible pour le camp de la liberté (comprendre les anticommunistes fanatiques) que le gouvernement du Chili ait pu être confié à un marxiste, par la voie des urnes, de façon démocratique.

Allende devait mourir. À 65 ans, qu'il se soit suicidé ou non, peu importe, il devait être politiquement éliminé. Ce qui fut fait à la grande satisfaction du gouvernement des USA. Les ravages causés par la vague maccarthyste, dans les années 1950, ont laissé des traces qui, du reste, apparaissent encore au XXIe siècle.

On a simplement changé de diable : après le 11 septembre 20011, ce ne fut plus le communisme qui demeura le premier ennemi du « monde libre », mais l'islamisme politique qui s'en était pris au symbole même de l'économie américaine mondialisée : les tours jumelles du World Trade Center.

Moins de 30 ans séparent les deux 11 septembre. Le premier fut d'inspiration américaine ; le second une conspiration antiaméricaine. En 1973, le Chili fut victime d'un attentat anti démocratique ; en 2001, les USA furent douloureusement frappés au cœur, à New York même. Dans les deux cas, il s'agit d'événements chargés d'une extrême violence politique.

Avec le recul, tout nous donne à penser que nous ne sommes pas encore sortis de ce qui fut cause de ces attentats contre la démocratie, mais avec des nuances (et quelles nuances !) qui aboutissent à remettre en questions les idées toutes faites sur la démocratie ! Au Chili, les tenants de la démocratie étatsunienne se sont satisfaits de la fin d'un régime politique très démocratiquement élu. Aux USA, des ennemis de la démocratie étatsunienne, issus de la nébuleuse Al Qaïda, ont réussi à meurtrir le régime politico-libéral le plus puissant qui soit, accusé d'écraser les pauvres de la Terre. Dans un cas la démocratie est violée ; dans l'autre cas, c'est la démocratie elle-même qui est mise en accusation. Mais s'agit-il de la même ?

Soyons clairs : il faut condamner et les sbires de Pinochet et les assassins d'Al Qaïda. Mais il ne faut pas tout confondre : Allende n'est pas coupable de ce qu'il a subi tandis que les USA ont beaucoup fait pour attirer sur eux la foudre. Les USA ont voulu la fin du socialisme démocratique, en 1973, et ils ont été les victimes de ce qu'on a appelé, depuis, une entreprise terroriste, en 2001. Laissons de côté, écartons les thèses conspirationnistes selon lesquelles les attentats auraient été fomentés par les services secrets américains eux-mêmes !

Seize ans après la mort d'Allende s'écroulait l'empire soviétique. Douze ans après l'écroulement des tours jumelles, nous vivons des temps où l'on voit se succéder des guerres successives qui ne viennent pas à bout « du jihâd par l'épée », ( l'islam compte quatre types de jihâd, pacifiques ou violents : par le cœur, par la langue, par la main et par l'épée). Il est des jusqu'auboutistes, des fous, des cyniques et des fanatiques dans toutes les religions. Le «  jihâd par l'épée » cause grand tort à l'Islam et ne le représente pas. C'est un extrémisme politique.

Les criminels qui, au Chili, dix-sept années durant, ont semé la mort et infligé des tortures, étaient comparables aux jihadistes fanatisés, des « croisés de l'occident chrétien » prêts à tuer y compris des chrétiens si on les découvrait proches des théologiens de la libération2. De même, la mort de Pablo Neruda, le 23 septembre 1973 à Santiago du Chili, si proche du 11 septembre (due à un cancer ? au chagrin ? à un assassinat ?), peut-elle être associée à la fin d'Allende. Neruda, prix Nobel de littérature en 1971, écrivain politique et poète influent, constituait, bien que malade, un grand danger pour la nouvelle junte.


Il ne suffit pas de se souvenir d'Allende mort debout, dans l'exercice de sa fonction, en 1973. Il ne suffit pas de déplorer le drame qui a secoué le monde entier, à New York, en 2001. Il faut saisir que ce qu'on a appelé le « socialisme démocratique » (au Chili, mais aussi en Hongrie avec Imre Nagy, en Tchécoslovaquie avec Dubcek) ne convenait ni à Moscou, ni à Washington. Il faut saisir que la fin de la coupure du monde en deux « blocs », a mis, curieusement, l'occident capitaliste, à première vue, sans adversaire, en état de fragilité. L'exaspération affreuse qui est apparue avec la résistance violente à la mondialisation visée par les USA, sous leur égide, est à l'origine du 11 septembre 2001. À vouloir briser dans l'œuf toute velléité socialiste démocratique, finalement plus inquiétante que le modèle soviétique, l'occident capitaliste a engendré son bourreau, un bourreau contre lequel il a engagé une vaine guerre perpétuelle.

Au contraire, dans La paix perpétuelle, un livre écrit en 1795, Kant offrait l'hospitalité universelle, celle qui veut que l'on reconnaisse l'humanité en tout homme que l'on rencontre sur la surface du globe. Cette proposition reste actuelle. Elle suppose le partage, le partage des avoirs, des savoirs et des pouvoirs. Le partage, c'est une autre dénomination du socialisme authentique. Le 11 septembre 1973, on a interrompu une tentative de « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » qui réapparaitra ailleurs, sans doute d'abord en Amérique latine. Le 11 septembre 2001 s'est trouvé brisé, dans les pires conditions, un rêve d'hégémonie économique et politique qui continue d'engendrer des violences multiples sur toute la terre.

Il serait temps de tirer tous les enseignements possibles de ces tragédies inoubliables auxquelles on commet l'erreur de ne plus vouloir penser. Cela n'a pas été fait.

 Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

2 - L’expression « théologie de la libération » fut utilisée une première fois par Gustavo Gutierrez lors du congrès de Medellin du Conseil épiscopal latino-américain, en 1968. Il développa et articula sa pensée dans un livre Théologie de la libération, paru en 1972, qui est largement considéré comme le point de départ de ce courant théologique.

mardi 10 septembre 2013

Le sarkothon : encore une imposture !

Suite à ses déboires post électoraux et à l'invalidation des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy par le Conseil constitutionnel, l'UMP a lancé une souscription auprès de ses sympathisants.

Lors du dernier Week-end, le président du parti a annoncé que la collecte de fonds était close à hauteur de 11 millions d'euros ce qui permet à l'UMP de se remettre à flot.

L'ancien Président de la République a remercié les généreux donateurs par l'intermédiaire de son compte Twitter. 

C'était un minimum, cependant il a simplement omis de remercier l'ensemble des citoyens Français qui par le jeu des réductions d'impôts vont mettre la main à la poche pour un montant avoisinant les 7,26 millions d'euros


En effet, comme on peut le lire dans l'encadré ci-dessus, tous les dons ouvrent le droit à une réduction d’impôt égale à 66% du montant de la donation.

Pour être complet, il faut préciser que sans l'invalidation de ses comptes de campagne, l'Etat, enfin tous les citoyens, auraient remboursé les frais engagés par le candidat.

Moralité : comme dans d'autres affaires, qui ont défrayé la chronique ces dernières années, inutile d'être scrupuleux, puisqu'en dernier ressort c'est toujours le citoyen qui paye !

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

samedi 7 septembre 2013

Le complexe de la baguette et du béret.




Après la marinière, voici le solex !

A quand le brevetage de la baguette, du béret et du crottin de cheval ?

Le ministre du Redressement productif qui veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes a inauguré le jeudi 5 septembre l'achat d'une usine à Saint-Lô pour la production du Solex, cher à Jacques Tati.

Pour permettre la relocalisation de ce symbole de la grandeur industrielle française, actuellement produit en Chine, et au titre de la réindustrialisation mise en place par le ministère plus d'un million d'euros a été débloqué dans le cadre de l'aide prévue par l'État.

Là, où nous sommes légitime à penser qu'on se moque de nous, c'est que cette relocalisation se fera sans création d'emploi. Une imposture, donc, même s'il est prévu d'embaucher « 32 salariés » d'ici 2 ans si les ventes sont satisfaisantes.

À quand la production du crottin de cheval bien français ?

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux 


mardi 3 septembre 2013

Viviane Forrester : résister à l'horreur économique.


Cet été 2013, courant août, l'éditeur Olivier Bétourné fait paraître, au Seuil, un opuscule qui aurait pu constituer la préface ou la postface de la réédition du célèbre livre de Viviane Forrester, L'horreur économique, paru chez Fayard, en 1996.

Le titre de ce très court manifeste, La promesse du pire, qui devait devenir celui d'un livre à part entière, donne à penser que l'auteure, à l'approche de sa mort, survenue le 30 avril 2013, voulait lancer un ultime cri d'alerte : « la Crise, la Dette et la Crise de la Dette », répète-t-elle, sont des épouvantails dressés pour nous paralyser et nous faire accepter que l'économie de marché devienne l'économie de la spéculation. L'homme et ses échanges sont eux-mêmes devenus des marchandises. Un nouveau système spéculatif « qu'on ne saurait nommer économie » est en train de succéder au capitalisme « mis à mort par ses spéculateurs mêmes »

Viviane Forrester n'aurait sans doute pas voulu laisser paraître telles quelles ces vingt huit pages qui auraient trouvé leur place dans la réédition, non conduite à son terme, de L'horreur économique. Elles n'ajouteront rien à sa célébrité d'écrivaine. Par contre, ce bref appel intuitif à un repérage immédiat des causes de l'installation d'un « empire omnipotent » est plus qu'un avertissement, c'est l'exigence d'une résistance à « l'idéologie globalitaire » qui s'en prend à son obstacle majeur : la civilisation.


Impossible d'ignorer ce message posthume ! Nous voici donc « à la charnière de deux âges » dit-elle. Un nouvel ordre s'établit qui succède à l'ordre établi. La Crise n'est pas une crise même si elle en crée : il s'agit de ligoter les habitants de la planète en les convaincant que ce qui les écrase est destiné à les sauver. Une civilisation de l'écran fait... écran entre entre le monde réel et le « fameux monde tel qu'il est », ce monde qui n'existe pas et qui nous est présenté comme ne pouvant être autre que ce qui nous en est montré par médias interposés.
L'appel à la conscience, à la lucidité est un appel à la résistance. Il s'agit de refuser cet escamotage, cette édulcoration verbale de l'horreur économique qui s'est prolongée et « où s'inscrivent en silence des ravages en regard desquels Attila ferait figure de touriste discret ». Ne plus se laisser décerveler est devenu l'extrême urgence. Ouvrons les yeux et ouvrons les à ceux qui se sont laissé endormir par des mensonges d'autant plus efficaces qu'ils sont plus gros, une fois chargés de leurs fausses évidences. Reprenons le pouvoir sur les mots. Faisons, une nouvelle fois, nous les humains, notre révolution intellectuelle.

Oui, un tout petit livre inachevé, insuffisant, peut délivrer un contenu qui donne à penser au moment où l'on s'acharne, précisément, à empêcher de penser les hommes-marchandises que nous devenons, moins que jamais maîtres de leur destin.

Qu'il suffise de se reporter à cette phrase fulgurante de Viviane Forrester qui, si on la prend au sérieux, nous conduit vers une nouvelle appréciation du champ économico-politique où il nous faut entrer et lutter : « Issu d'une idéologie l'empire spéculatif domine, qui destitue l'économie, se substitue au politique et gouverne les gouvernements sans y participer car, s'il détient la puissance, il n'a pas vocation à prendre le pouvoir officiel, identifié, mais à avoir tout pouvoir sur ceux qui le détiennent et à détenir ce qu'ils ont à gérer ».

Nous savons bien, à présent, ce qu'il nous reste à faire : résister. Agir, c'est penser pour mieux combattre l'idéologie globalitaire qui ruine la planète, y installe un échange marchand dévastateur, et tend à soumettre, fort concrètement, notre quotidien à une domination irréversible. Voici venue la suite de l'indignation de Stéphane Hessel : « Refusons les données telles qu'elles nous sont dictées, faussées de telle sorte que les solutions ne peuvent émaner que de ce qui les cause, ainsi perpétué ».

Il nous faut « changer de logiciel » (ou nous débarrasser de ceux qu'on à goutte à goutte distillés dans nos cerveaux). La guerre des idées fait rage et c'est la mère des guerres physiques. La lutte contre le capitalisme est devenue obsolète parce qu'il y a pire que lui. Viviane Forrester n'est pas disparue de notre horizon. Nous ne pouvons que nous dresser, avec elle, contre cette Promesse du pire.




Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran